en temps de guerre

Ambulance à Angers

[Le 7 septembre 1914, une ambulance est ouverte au Calvaire (annexe à l’hôpital temporaire n°6). Les blessés sont soignés par une partie des sœurs du Calvaire. C’est une occasion d’évangélisation, le journal rapporte des conversions, baptêmes, confirmations et confessions. Les sœurs entretiennent aussi une correspondance avec certains soldats qui sont repartis sur le front, des amitiés se nouent. L’ambulance est fermée officiellement le 31 mars 1919.]

Le nombre de 1337 hospitalisés peut paraitre élevé pour une formation de 40 lits ; mais il faut dire que le Calvaire était un hôpital affecté aux convalescents. On y faisait passer alternativement les hommes atteints d’albuminurie, de fièvres paludéennes, ceux intoxiqués par les gaz et autres malades du secteur. En parlant des sœurs : (…) Jamais aucun d’eux ne leur manque de respect et de déférence ; beaucoup même leur témoignent une véritable reconnaissance.

Rapport du médecin major de l’hôpital n°6 (Calvaire d’Angers) en 1919.

Sous les bombes au Calvaire de Poitiers en 1940

Calvaire de Poitiers en juillet 1940.

Le 21, le grondement du canon nous arrive sans cesse. Quelques-unes s’écrient : « Quel orage aujourd’hui » ! Il tonne et il ne pleut pas ! » Celles qui pressentent la vérité se gardent de troubler ce calme, mais nous savons que l’ennemi approche, les bombardements de la région ne cessent plus. Ce jour-là, M.notre chapelain doit nous donner un sermon après vêpres. Toute la communauté assiste sauf Mère St Jean qui est en convalescence et fait une longue promenade au jardin. Tout à coup un avion passe au-dessus de sa tête. « Pourvu qu’il ne me voit pas », songe-t-elle. Sa pensée est à peine formulée qu’il tire « tac, tac, tac, tac », et la pluie de fer tombe sur les pauvres êtres humains… Mère St Jean regagne la maison au trot ! Si elle allait mourir seule dans les topinambours ! et elle court toujours ! que le jardin lui semble grand ce jour-là ! La voici au poulailler, il ne lui reste qu’un jardin à traverser, mais le tic-tac meurtrier reprend et la chère Mère court encore plus vite. Savez-vous pourquoi ? Une crainte vient de traverser son esprit. L’avion ou les avions se rapprochent, si les bombes allaient tomber sur la chapelle et ensevelir toute la communauté… Et Mère St Jean court pour mourir avec tout le monde. « Je ne voulais pas rester seule survivante, car je n’étais pas capable de relever ensuite la maison ! » expliqua-t-elle. Pendant ce temps, M. le Chapelain faisait un sermon sur la Providence divine ; les 3 communautés sont devant lui. Il remarque que les petites Sœurs du Saint Cœur frémissent d’angoisse, il élève la voix pour mieux faire entendre les vérités divines et tout le monde reste dans les bras de la Providence. Quelques instants plus tard, Mère sous-prieure part au jardin. Le « ron-ron » d’un appareil ennemi l’accueille. Elle lève la tête. Il porte 3 bombes, est-ce un nouveau bombardement ? Cette fois, ce n’est pas pour nous, et Mère sous-prieure conclut : « Bah ! je ne vaux pas une bombe ! »

Rapport avec les autorités allemandes pendant l'occupation

Calvaire de Poitiers, 22 juillet 1940

Avant de terminer ce long journal, nous confions à vos bonnes prières un autre souci : ce matin samedi à 9 heures, Notre Mère est demandée au parloir par un Allemand. Le cœur serré elle s’y rend avec Mère sous-prieure, le voile baissé jusqu’à la ceinture. Elle ouvre la grille, l’Allemand est assis tout contre, mais rien ne bouge. Silence impressionnant pendant une minute. Notre Mère se décide à le rompre. D’un ton correct mais froid demande : « Vous désirez, Monsieur ? » L’interpellé tressaille et se lève d’un bond. Il est haut comme la lune ! « Je suis envoyé par la Kommandantur, et il tire de sa poche un papier qu’il colle contre la grille en disant : Mais vous n’allez pas pouvoir lire ! » Notre Mère lui ouvre le tiroir dans lequel, à bout de bras, il laisse tomber le papier ainsi conçu : M. X… est chargé de visiter toutes les maisons privées afin de réquisitionner des appartements. « Tout est plein » lui dit Notre Mère. Mais il veut visiter. Irma est appelée et la visite des chambres commence pendant que nos Mères agenouillées derrière la grille disent un chapelet fervent. Après avoir fait le tour des étages, Irma et son compagnon reviennent par le parloir et nos Mères entendent l’Allemand qui explique : « C’est pour des bureaux ! rien à faire ! » Il avait trouvé en effet toutes les dames pensionnaires au lit, sauf Melle de Lestang. Il est sorti de chaque chambre en faisant le salut militaire à la bonne dame quelque peu effarée de voir un tel visiteur. Enfin, il est parti en disant : "Vous avez une chapelle ? » Il a dû aller la voir et Mère sous-prieure conclut : « S’ils prennent la chapelle pour des bureaux, nous irons tous les jours leur chanter la messe de Requiem ! » Nous espérons que cette visite n’aura pas de suite.